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À quoi sert le marketing ? Par Philippe Le Magueresse

Question 1 –
Notre nouvel environnement VUCA appelle à une transformation profonde, nécessite de passer d’une vision mécanique du monde à une vision organique. Un environnement dans lequel les relations entre les parties prenantes d’un écosystème deviennent plus importantes que ses composantes. Les fonctions historiques du marketing sont touchées de plein fouet.

1/ Historiquement, optimiser la rencontre entre l’offre et la demande,

Désormais, optimiser les interactions de la marque avec toutes ses parties prenantes

Dans un environnement complexe, le marketing doit dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes de la marque, internes et externes, pour concevoir, produire, distribuer, recycler les offres et les services proposées.
Tous les points de contact avec le consommateur (vendeur, SAV, RS, etc.), tous les collaborateurs, les partenaires, les actionnaires, tous les consommateurs peuvent permettre au service marketing d’ajuster au mieux :

  • L’offre pour une proposition de valeur toujours parfaitement en phase,
  • La relation pour fluidifier les relations,
  • La communication pour impacter.

Ce dialogue permet de tenir compte, entre autres :

  • Des externalités négatives liées à toute activité économique sur l’environnement,
  • Des effets pervers de la consommation (addiction, gaspillage, etc.),
  • Des conditions de travail des producteurs (collaborateurs, fournisseurs, etc.),

2/ Historiquement, assurer les débouchées d’une production tayloriste.

Désormais, permettre le pivot des organisations pour une adaptation permanente à l’environnement

Un tel environnement défie en profondeur la raison d’être des entreprises, leur organisation pyramidale, leurs croyances.
Ce dialogue augmenté, entretenu par le marketing, doit entretenir doit nourrir la stratégie des organisations et leur permettre de survivre (…donc beaucoup d’impacts sociétaux) en faisant pivoter leur modèle d’affaire. La transformation, c’est repenser chaque processus métier autour des parties prenantes, notamment des clients, grâce à la donnée, sous toutes ses formes.
Et ce n’est pas le faire une fois pour toutes. C’est une démarche itérative, permanente à installer.

3/ Historiquement, générer de l’argent.

Désormais, créer de la valeur

L’enjeu numéro 1 du marketing a toujours été de produire de la valeur pour l’entreprise. Mais cette valeur, dans un cadre où l’entreprise était devenue hors sol, se résumait à l’argent pour les actionnaires. La valeur créée par le marketing doit être désormais battue dans différentes monnaies. L’argent reste une monnaie nécessaire pour toute organisation. Mais être capable de produire de la confiance avec ses parties prenantes, du sens pour chacune d’elles (sens à consommer, à produire, à interagir avec etc.), des expériences pour ses consommateurs ou ses collaborateurs, de la connaissance pour nourrir l’anti-fragilité dans cet environnement volatile, incertain, complexe et ambigu. Et toutes ces monnaies se convertissent entre elles !

C’est ainsi que chaque partie prenante de la marque a intérêt à ce que l’écosystème de la marque prospère car elle reçoit la valeur qu’elle en attend (argent, confiance, reconnaissance, etc.).

Ce n’est pas tant une posture éthique (et tant mieux si ça l’est, cela nourrit le storytelling !) qu’une
considération d’efficience.

 

Question 2 –

À mon sens, le marketing dans une société a trois grandes missions à accomplir :

1/ Inscrire toute l’entreprise dans le temps long

Dans un environnement VUCA, pour ne pas subir les secousses du quotidien et s’épuiser dans des actions de court terme de « gesticulations », il faut s’inscrire dans le temps long pour « satisfaire durablement le client » (définition même du marketing selon JP Aimetti) en nourrissant le contre VUCA (Vision, Understanding, Clarity, Agility).

Le lien vaut plus que le bien : le lien que la marque construit dans la durée avec un client (ou une autre partie prenante) vaut plus que le bien qu’elle vend un jour.

Pour cela, les missions suivantes, toutes stratégiques, me semblent clé :

  • Construire une plate-forme de marque robuste, avec de fortes convictions mais sans certitudes !
  • Définir et revisiter régulièrement les sources de différenciation de la marque (proposition de valeur, relation avec le client, communication, les 3 piliers du marketing)
  • Déterminer les KPI qui permettent de mesurer la valeur produite (donc pas que l’argent généré à court terme !) et d’orienter les actions du quotidien (l’opération X du mois prochain me permet-elle de travailler mes KPI, oui, go, non, no go !).

Assurer la cohérence organique de la marque dans le temps, grâce à une utilisation des ressources de son écosystème. Viser l’efficience de la marque dans la durée, pas son efficacité à l’instant T.

2/ Ouvrir l’entreprise et renforcer la proximité avec toutes les parties prenantes

Comme expliqué dans la première question, un des rôles du marketing dans la société est d’optimiser les relations de la marque, pour créer de la valeur, avec toutes ses parties prenantes. Pour ce faire, dans une société, la fonction marketing doit être capable d’ouvrir l’entreprise vers l’extérieur et de désiloter l’interne. La fonction marketing dans une entreprise, c’est l’interface de la marque avec ses parties prenantes.

Ouvrir l’entreprise avec efficience, c’est ouvrir vers les données pertinentes et les exploiter en sachant les hybrider avec méthode pour en maximiser la valeur mais aussi pour réduire les biais et compenser les limites inhérentes à chaque source. Objectiver, challenger les croyances métiers par la datascience.

Les sources de perturbations des marchés abondent, en particulier technologiques (cf. le concept développé par Erik Brynjolfsson). Comment ces innovations technologiques peuvent-elles impacter mon écosystème et ses parties prenantes ?

3/ Se concentrer davantage sur la créativité, l’innovation, les tests
La partie opérationnelle, naguère encore chronophage, devrait sous les effets de la technologie et de la révision des process métiers autour du client (fluidification des échanges, automatisation des missions intellectuelles mécaniques, etc.) se réduire.
Dans le même temps, la capacité à se différencier va nécessiter de stimuler l’imagination, la créativité. Bien utile à l’heure de la fragmentation des besoins, des cibles, des canaux de distribution, etc. de pourvoir viser l’hyperpersonnalisation, pour non pas nourrir la rivalité mimétique mais favoriser l’accomplissement de chacun, en imaginant, en testant en permanence pour passer à l’échelle aisément, des expériences de marque en « osmose » avec les attentes, en ajustement permanent.

 

Question 3 –

En lien avec les réponses aux deux questions précédentes, 5 valeurs me semblent clés pour le marketing aujourd’hui.

1. Ouverture

Le marketing doit collecter, traiter, analyser avec discernement les signaux envoyés par son écosystème, quel que soit l’origine de ces informations pour les transformer en décisions (= les signaux qu’elle va émettre vers son écosystème).
Ouverture aussi pour accueillir de nouvelles compétences, de façon permanente ou ponctuellement.

2. Collaboration

La capacité à se mouvoir au mieux dans son écosystème appelle à développer un esprit de collaboration : il est nécessaire de recourir à de nombreuses compétences (à nouveau en interne ou en externe de l’organisation), d’écouter avec empathie les parties prenantes, de stimuler les interactions (car in fine, la valeur que l’on peut créer vient de là !). Le principe de coopétition est valable aussi pour la fonction marketing !

3. Sincérité

Aucune marque ne peut tout bien faire. N’importe quelle partie prenante raisonnable peut l’entendre. En revanche, dans la mesure où, entre autres, tout ce qui se passe à l’intérieur d’une organisation finit par se savoir à l’extérieur, le besoin d’alignement entre les intentions énoncées et les comportements constatées nous parait tout simplement indispensable. Comment maintenir et développer la confiance sinon ? Une monnaie qui vaut bien plus que l’argent !

4. Responsabilité
La marque n’est pas hors sol, elle a un impact dans son écosystème. Dans ses interactions ou les décisions qu’elle prend, le marketing se doit d’être responsable. Ne serait-ce que pour être efficiente !
Par ailleurs, la responsabilité de la décision doit toujours revenir aux ressorts humains. Impossible sinon de pouvoir jouer un rôle efficace d’interface avec les parties prenantes. Et l’importance croissante de l’IA va amener de sérieuses questions. Par exemple que se passerait-il si la marque ne pouvait expliquer la décision prise par une IA à ses clients, si elle ne pouvait pas expliquer une décision qui a des conséquences au plan pénal, etc. ?

5. Efficience :
Les ressources matérielles sont limitées sinon déjà rares. Comment créer de la différenciation, fondamentalement vitale, en étant le plus économe en ressources (argent, temps, matière, etc.) ?
Le marketing doit s’inscrire dans ce registre de l’utilisation raisonnée des ressources. S’inspirer de l’environnement décrit par Frank Herbet dans Dune pour préserver les ressources, en l’espérant plus heureux !

 

Question 4 –

En ligne avec notre vision de la création de valeur par les relations, les interactions de la marque avec ses parties prenantes, l’ensemble des collaborateurs d’une marque en lien avec une partie prenante devrait à son niveau incarner le marketing…autant dire tous les collaborateurs.
Bien entendu, il est capital que le top management fasse un avec le marketing dans notre vision des choses. A ce titre, il me semble que Christopher Guérin, DG de Nexans, illustre bien cette nécessité (Il me semble également que la stratégie inspirée par l’écoute des parties prenantes de Nexans, dans une approche systémique, est une source d’inspiration pour le marketing !).

Mais il est indispensable qu’il soit porté, vécu par l’ensemble des collaborateurs. Chez un retailer par exemple, le premier vecteur de l’image, de l’expérience de l’enseigne, c’est le personnel en magasin ! Et pour que les meilleures décisions soient prises pour les parties prenantes (en particulier les clients), il est nécessaire de mettre en place le principe de subsidiarité : la décision est prise au plus près de la partie prenante par le collaborateur en relation avec cette partie prenante. Ce dernier est nourri avec les bonnes données et nourrit en retour le système de connaissance partagée.

Deux marques retiennent mon attention en matière de marketing : Décathlon et Nike dont je dis quelques mots.

Nike est devenu, selon le mot de Philippe Moati, un « intégrateur ». La marque a compris la nécessité de contrôler de bout en bout la relation avec les clients. En quelques mots, la marque a mis en place une stratégie globalement gagnante :

  • En reprenant en main sa distribution

En même temps que la marque se retirait d’un certain nombre de points de vente (y compris le géant Amazon… sans doute les conclusions de l’expérience désastreuse de Toy’r us ont-elles été tirées), elle a multiplié les magasins « flagship » lui permettant de contrôler son storytelling et de proposer des expériences de marque plus fortes à ses clients, prospects.

  • En rentrant dans l’intimité de ses clients

A titre d’exemple, tout l’écosystème applicatif lui permet de renforcer le lien avec ses clients : générosité de la marque en offrant des services, meilleure compréhension des usages, personnalisation des offres, etc. un cercle vertueux pour toutes les parties prenantes qui gagnent quelque chose.

  • En développant des approches communautaires

La marque à la virgule a su prendre parti également pour occuper des territoires porteurs de sens, pour toutes les parties prenantes. Elle cultive un certain esprit de contestation en choisissant des égéries qui incarnent ce dernier, comme André Agassi, Colin Kaepernick, etc.

Mais ces exemples inspirants ne doivent pas masquer le risque d’un marketing encore plus mécanique que par le passé. Plus mécanique car doté de moyens démultipliés par la technologie (l’hyper-marketing grâce au triptyque décliné ad nauseam canaux * messages * cible, jouant sur les limites du cerveau humain comme le désir sans limite issu de la rivalité mimétique (identifiée par René Girard et largement étayée scientifiquement depuis) ou de la dopamine produite par le cycle court de récompense.

Et il se peut bien que cette pente la plus douce à suivre, s’avère la plus vénéneuse aussi.

 

Philippe Le Magueresse : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Directeur Général Adjoint d’OpinionWay

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