Avant de répondre à cette question, il faudrait savoir à quoi il a servi par le passé. Prenons quelques chiffres pour éclairer cela :
La question que révèlent ces quelques éléments est celle de l’utilité du marketing. A la lecture de ces chiffres, on peut s’accorder sur le fait que le marketing n’a pas vraiment contribué au bien commun et aux progrès sociaux. Mais si aujourd’hui ça devenait son ambition ?
« Le marketing, contributeur au bien commun ? »
Depuis des années, le marketing a réussi à rendre désirable des produits inutiles voire ridicules : une lessive qui lave « plus blanc que blanc », des véhicules 4×4 pour circuler sur des autoroutes parfaitement bitumées, de l’eau des Alpes en bouteille plastique qui promet la jeunesse éternelle à 0.5 euro le litre alors que l’eau du robinet coûte environ 0.004 euro le litre (soit 125 fois moins cher pour le même effet !) et même des univers virtuels ! Avec ce talent pour vendre l’improbable, il devrait être assez facile de rendre désirable un monde où l’on se suffirait de ce qui comblent nos besoins, où le partage de la valeur serait plus équitable et où on renoncerait à produire ce qui dépasse les capacités biophysiques de la planète. Bref, rien que des principes évidents et réalistes, des principes tellement évidents que l’on pourrait même se poser la question de la nécessité d’utiliser du marketing pour les rendre désirables !
Et pourtant, c’est absolument nécessaire tant nous avons perdu tout sens des réalités !
« Une nouvelle boussole pour le marketing »
Nous avons donc besoin du marketing pour accompagner les acteurs économiques et les consommateurs vers un modèle raisonnable et durable, un modèle qui s’inscrive dans le « donut » de Kate Raworth et qui nous permette collectivement d’atteindre un plancher social nécessaire pour assurer le bien-être de chacun, sans dépasser le plafond environnemental qui s’impose à nous.
Pour y arriver, le marketing doit modifier ses réflexes et ses boussoles.
Ainsi, la segmentation, qui a été un moyen de mieux répondre aux besoins fondamentaux de nos sociétés, en s’adaptant aux particularités socio-économiques de chacun, est devenu un
outil de création de désirs individuels pour générer sans cesse un appétit consommatoire décorrélé de tout besoin.
Le marketing, porte-parole du consommateur au sein de l’entreprise a oublié cette fonction pour devenir le pilote de la croissance et le créateur de valeur pour l’entreprise. Pour y parvenir il a dû activer sa force créatrice pour produire toujours plus de nouvelles idées, nouvelles offres, nouveaux messages et déployer sa puissance de communication à travers des imaginaires revisités et enrichis, pour parler de moins en moins des bénéfices fonctionnels des produits, mais de plus en plus d’émotions à travers un style de vie artificiel prôné désormais par les marques.
Ainsi, par ses messages, son vocabulaire, ses slogans, ses offres… le marketing a fortement contribué à l’émergence d’une « tyrannie du bonheur », cette « happycratie » dénoncée dans un livre il y a quelques années. Il y a contribué en insinuant que le bonheur était la consommation.
« Être le pharmacien qui aide l’entreprise à se maintenir en bonne santé »
La boussole du marketing ne doit désormais plus être cette croissance permanente de la consommation. Il ne doit pas chercher à créer de la valeur mais à la pérenniser. De la même manière que pour se maintenir en bonne santé, un être humain doit trouver un équilibre, savoir parfois se mettre au régime, le marketing doit être le pharmacien de l’entreprise. Il doit mettre en œuvre le bon traitement, le bon dosage pour que l’entreprise se maintienne en bonne santé. Et la santé ce n’est pas la croissance infinie.
Le marketing doit incarner deux nouvelles valeurs, le renoncement et la transformation. Chaque projet, chaque message doit être évalué sous deux angles : celui de la disponibilité des ressources pour le mettre en œuvre et celui de l’utilité sociale. Si le projet ne s’inscrit pas dans les deux axes alors il faut y renoncer. Si les offres actuelles ne s’y inscrivent pas, alors il faut les transformer ou les abandonner !
Mais le marketing doit rester celui qui sait opérer un travail de précision, de sélection, de distinction. Le « traitement » ne doit pas être le même selon les entreprises, selon l’activité, selon la clientèle. Certaines activités ont encore besoin de croissance. Certaines offres méritent de se développer car elles contribuent au bien commun, à la préservation de la planète, au progrès social. Certaines populations ont encore des besoins mal couverts auxquels il faut répondre.
Pour incarner cette nouvelle approche, le marketing doit aussi se doter de nouveaux indicateurs et devrait collaborer avec la RSE pour réfléchir à la mesure des limites comme baromètre de son activité. Car, en tant que « pharmacien » il doit être attentif à ce que la fièvre ne monte pas !
« Un serment du marketing responsable »
Enfin, ce nouveau marketing pourrait s’incarner à travers une déclaration d’intention qui commencerait ainsi, inspirée du serment des apothicaires :
Je m’engage à exercer ma profession avec conscience, dans le respect du vivant et de la personne humaine, de me consacrer à maintenir les objectifs de mon entreprise dans les limites planétaires, de contribuer à l’information du public sur ces limites et d’aider à faire évoluer les comportements de chacun à travers l’exercice de mon métier, notamment en faisant la promotion des actions, des offres et des messages qui contribuent à pérenniser un monde soutenable pour tous.
La suite reste à écrire…
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