Le marketing a joué un rôle crucial dans l’émancipation des consommateurs et la stimulation de la croissance économique globale. Toutefois, comment peut-on envisager que le marketing continue à encourager les désirs illimités des consommateurs sans prendre en compte les impacts sur notre monde aux ressources limitées et fragilisées par ces modes de vie ?
Des scénarios peu attractifs pourraient advenir.
Les collapsologues (ou les effondristes en bon français !) avertissent que la surexploitation actuelle, qui excède la capacité de résilience de notre écosystème « Terre », conduit inéluctablement à la chute de notre civilisation, et au chaos.
On pourrait imaginer également une société coercitive : des citoyens empêchés dans leur consommation (choix, quantité, mode, etc.) pour satisfaire à des injonctions venues d’en haut.
Face à ces scénarios peu reluisants, comment modifier la trajectoire de notre course pour une destination plus désirable ? Quelle ligne de crête emprunter permettant de concilier liberté individuelle et responsabilité collective ? Et quel rôle le marketing pourrait-il jouer dans les entreprises et au-delà ?
Le temps des entreprises hors-sol, guidées par le seul intérêt financier à court terme des actionnaires, semble dépassé. Pour autant, la combinaison des intérêts de l’actionnaire et du seul consommateur est-elle une meilleure solution ? Les exemples d’Amazon, et plus récents de Temu ou Shein sont-ils vraiment soutenables ?
Le consommateur est certes « choyé » mais aux dépens des autres parties prenantes : notamment les collaborateurs et l’environnement. Et leur caractère clivant provoque le rejet de certaines parties prenantes (cf. abandon de l’implantation du siège d’Amazon sur Long Island City ou les demandes de légiférer pour taxer les produits à prix anormalement bas).
Passer d’un monde mécanique à un monde organique
Pour faire émerger un environnement qui à la fois permet la liberté individuelle en étant responsable, ma conviction est la suivante : les entreprises doivent basculer d’une logique mécanique, court-termiste, centré sur le profit financier à une logique organique, pérenne et visant l’atteinte simultanée de plusieurs objectifs.
Il s’agit de trouver un point d’équilibre dynamique grâce au dialogue avec les différentes parties prenantes dans une logique systémique : clients, actionnaires mais aussi collaborateurs, fournisseurs, ONG, Etat, etc.
Et dans cette perspective, le marketing a un rôle à jouer (comme le législatif entre autres) à condition de lui aussi revoir sa copie tout en gardant son principe actif :
Voici 3 axes, s’influençant mutuellement, sur lesquels positionner le Marketing au sens large :
Axe 1 : Devenir le pivot du dialogue avec les parties prenantes
Historiquement, le Marketing, a, entre autres, interrogé, observé, etc. les consommateurs.
Il doit désormais élargir la relation à l’ensemble des parties prenantes et basculer vers le dialogue. L’idée est à la fois de bien comprendre comment chaque partie prenante voit « le monde » et pouvoir ainsi entamer des conversations pertinentes avec chacune d’elles.
Axe 2 : Construire les fondamentaux de la marque
Le fruit de ces interactions avec l’environnement vient également nourrir la marque qui doit à la fois s’ouvrir à ses parties prenantes, pour ne pas se nécroser ou ne pas faire fausse route, mais sans se diluer, sous peine de perdre son unicité.
Aux dimensions traditionnelles que le marketing doit embarquer (les considérations légales, la recherche de qualité, l’image de marque) s’ajoutent la recherche de valeurs et l’appropriation d’engagements. Car les parties prenantes sont désormais en attente sur ces sujets vis-à-vis des marques. Et cela devient donc une source de différenciation !
Les valeurs ? De nombreuses marques cherchent à incarner des valeurs pour provoquer une émotion plus durable, pour construire un sentiment. Et ainsi créer un alignement pérenne avec leurs parties prenantes.
Les engagements ? Ils démarrent quand les marques vont au-delà de leurs parties prenantes les plus proches (clients, collaborateurs, actionnaires) pour apporter leur contribution, disons pour faire simple, aux 17 engagements de l’ONU.
Aux marques ensuite d’exploiter les techniques du marketing pour engager leurs audiences.
Axe 3 : Définir un set d’OKR (Objectives & Key Results) et bâtir un socle de données en conséquence
Fort de la matière générée par les deux premiers axes, le marketing aurait intérêt à être pilote du troisième pour influencer positivement les orientations stratégiques de l’organisation.
Certes, le volet extra-financier des comptes est un premier pas utile. A condition que son esprit imprègne l’organisation, et non pas sa lettre qui la pousse à « cocher mécaniquement des cases ».
Produire de la valeur, cela veut dire, en plus de résultats financiers, produire du sens, de la confiance, de la reconnaissance ou encore de la collaboration.
S’appuyer sur les parties prenantes permet de produire cette valeur et de challenger, revisiter ses fondamentaux. Et proposer ensuite des OKR, potentiellement contradictoires entre eux !
Il va donc falloir oser cette approche et du courage pour la défendre dans des organisations souvent paresseuses.
Imaginer, concevoir, décider, déployer, monitorer, ajuster, dialoguer avec les parties prenantes, etc. va nécessiter de disposer d’un socle de données robuste, pertinent, etc. en cycle continu, de façon organique !
Les différents écosystèmes de marques, pour rester attractifs, co-évolueront. C’est-à-dire que les marques devront tenir compte de la concurrence sans pouvoir « retomber dans la facilité » sous peine d’être sanctionnées par les parties prenantes. On enclenche ainsi une dynamique vertueuse d’élévation.
Cette dynamique (marques qui s’engagent, parties prenantes exigeantes, collaboration, etc.) vertueuses peut rendre possible ce qui est désirable : une liberté de choix au sein d’offres responsables, durables.
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