« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Cette phrase célèbre, prononcée par le président Chirac dans son discours d’ouverture du quatrième sommet de la terre en 2002. était censée créer l’électrochoc nécessaire au changement des comportements. Vingt ans après, force est de constater que l’incendie fait toujours rage et que rien n’a été fait pour éteindre le feu. L’insouciance écologique reste un comportement largement majoritaire, souvent encouragé par le mauvais exemple donné par les politiques, pourtant condamnés pour inaction climatique.
Dans un papier du 20 Mai dernier paru dans Marketing Week, le comportementaliste anglais Richard Shotton, note qu’un mauvais exemple, s’il est largement répandu emporte l’adhésion et devient une norme sociale. Et que le dénoncer ne sert à rien, si ce n’est à le rendre encore plus majoritaire. Il ajoute : « C’est aux marketers d’agir s’ils veulent faire de l’écologie planétaire une réalité comportementale ».
Un Marketing Légitime :
Depuis son origine, le marketing travaille à permettre aux entreprises, à leurs employés et à leurs clients de faire société, afin de saisir pour notre humanité des opportunités de croissance et de prospérité au sein des limites de notre planète: le marketing ne se conçoit que comme une locomotive du changement économique de la société.
C’est d’ailleurs le seule fonction dans l’entreprise qui transcende toutes les autres : il oriente la stratégie et impose une réflexion à long terme là où souvent on ne raisonne qu’au trimestre, ll questionne les pratiques financières et les oriente vers la valeur retournée au client; il inspire la recherche et le développement, définit les produits, ajuste leur production et organise leur distribution; il représente l’entreprise à tous les points de contact avec les clients, les actionnaires, les employés, les étudiants – impossible de recruter sans lui.
Le marketing s’attache aujourd’hui à réconcilier sans compromission notre humanité avec les nécessités de notre planète : il ouvre une voie sociale et sociétale, où l’entreprise génère des Profits tout en respectant la Planète et sa Population (Planet, People, Profit).
Le Marketing, c’est le dernier outil que nous avons pour faire société : rapprocher les intérêts divergents, faire converger les enjeux, combattre les égoïsmes, et redonner une perspective planétaire à notre descendance. Il est la plus noble expression de l’écologie.
De « suiveur » à « leader » :
Pourtant, comme le souligne Marc Ritson, aujourd’hui les marketers ont peur de continuer à faire du marketing, et s’en échappent pour se trouver des missions plus nobles au sein de l’expérience client, du management de la donnée ou de l’intelligence artificielle ; oubliant que ces missions procèdent naturellement de la conduite du marché dont le marketing est le dépositaire naturel. En abandonnant la fonction marketing, ils laissent accroire que le marketing est un pur exécutant de stratégies développées par ailleurs : une simple agence de communication interne…
Rien d’étonnant donc à ce que la Revue du Digital, dans sa newsletter du 15 Mai, souligne que les CMOs, loin de réussir à obtenir de nouveaux budgets, doivent accepter de « vivre à l’ère du moins ». Selon Gartner, le poids des ressources marketing diminue graduellement depuis le début de la pandémie de Covid, passant ainsi de près de 11% jusqu’en 2019 à 9,1% en 2023 du chiffre d’affaire global de l’entreprise. En 2024, ce poids devrait chuter encore à 7,7%.
Interrogés, les CMOs espèrent compenser cette diminution de budget par un appui de l’AI générative, accentuant encore leur perte de pouvoir, comme le pointe Gartner : « Cette baisse reflète plutôt l’influence décroissante des directeurs marketing sur les technologies « martech » à mesure que d’autres dirigeants tels que l’informatique, prennent davantage de contrôle ».
Le glas du marketing a déjà sonné chez Unilever ou le poste a carrément disparu de l’organigramme, sans doute remplacé par un GPT made by Microsoft ou Facebook…et tant pis pour les engagements de modération énergétique: chez Microsoft l’intelligence artificielle est si gourmande que la consommation énergétique a fait un bon de 30%.
Plus le marketing se comporte en suiveur, plus il se marginalise, plus l’entreprise s’enfonce dans une vision consensuelle et sans saveur de sa mission; l’IA générative y produit une pensée normée, édulcorée, non genrée; une forme de pensée unique qui gomme toute forme de différentiation pour correspondre à une pensée « commune ». Les marketers deviennent les serviteurs de l’IA, de simples exécutants du plus grand dénominateur commun.
La survie de l’entreprise passe par un leadership marketing qui prend le pouvoir sur l’entreprise et met sous son contrôle les systèmes d’information afin qu’il contribuent à nourrir la mission et le parti-pris de l’entreprise, et à asseoir sa différenciation stratégique, seule source d’engagement des consommateurs et de création de valeur client.
Plus que de la désidérabilité, faciliter le changement :
Seul le marketing peut générer du désir autour des 3Ps (Sustainability 3Ps*), et permettre l’éclosion harmonieuse de l’écologie nécessaire à la prospérité de notre société. (People, Planet, PROSPERITY)*.
Ce changement ne pourra se faire qu’en mettant la simplicité au coeur des stratégies : faire du développement durable le chemin le plus immédiat et le plus direct vers une vie plus facile pour tous.
Le marketing doit humaniser et simplifier un monde devenu trop complexe pour être hospitalier.
Et redonner à notre société l’envie de faire affaire avec ce monde tel qu’il est.
* : https://inchainge.com/knowledge/sustainability/the-3ps-series-people/