La double acception du mot « crise » associe à ses effets délétères la possibilité d’en sortir victorieux à condition d’en percevoir l’issue, de préférence positive. Si l’issue ne peut faire l’objet que de spéculations, nous pouvons décider d’en projeter quelques traits, à l’aune des bouleversements économiques et psychosociaux qu’elle suscite.
Rien ne sera plus comme avant » ? Ou les vieux schémas de l’offre et de la demande reprendront-ils le dessus pour effacer cette « parenthèse » et ses effets ? Au plan individuel, la nécessité de vivre avec les moyens du bord, en se limitant à des « besoins essentiels » tout en créant de nouvelles manières d’être et de faire (son pain, la fonctionnalité de ses espaces etc.), cette restriction frustrante nous a fait quitter nos routines et nos évidences pour un maelstrom sous tendu par des interrogations, des doutes et des peurs. Mais elle a aussi créé de nouvelles routines, pour les uns, développé leur capacité d‘adaptation et mis en place des poches de liberté dans la contrainte, pour les autres, plus exposés, renforcé leur importance et leur valorisation professionnelle. Cette aventure de soi, avec ou sans autres, s’est couplée du besoin plus fondamental d’un futur à reconstruire. C’est une reconstruction qui adresse, au plan collectif, les univers de la consommation, de la communication, et la place et la posture des entreprises dans leur écosystème. Nos comportements adoptés pendant ce confinement ont révélé l’intrication du sécuritaire, du plaisir et du retour au simplifié au vu de la complexité du contexte. Les impératifs de l’hygiène et la mobilité réduite ont généré un faire soi-même qui valorise la proximité et l’authenticité. « Manger mieux, bouger plus » a pris son sens et ouvert à un ré-apprentissage et une redécouverte de soi. Confrontés à la masse d’informations contradictoires et à nos besoin légitimes de savoir, il a fallu apprendre à trier le vrai du faux pour retenir, dans une partition entre émotionnel et raison garder, le vivable et l’appropriable pour continuer d’avancer.
Nos comportements adoptés pendant ce confinement ont révélé l’intrication du sécuritaire, du plaisir et du retour au simplifié au vu de la complexité du contexte. Les impératifs de l’hygiène et la mobilité réduite ont généré un faire soi-même qui valorise la proximité et l’authenticité. « Manger mieux, bouger plus » a pris son sens et ouvert à un réapprentissage et une redécouverte de soi.
Confrontés à la masse d’informations contradictoires et à nos besoin légitimes de savoir, il a fallu apprendre à trier le vrai du faux pour retenir, dans une partition entre émotionnel et raison garder, le vivable et l’appropriable pour continuer d’avancer. Assisterons-nous à l’émergence d’un néo-consommateur, que deviendra cette « sobriété » obligée, et quel sens lui sera-t-il donné à terme, si les mots de la crise évoquent aussi la famine, le manque, la paupérisation, signes déjà visibles des inégalités. L’ère de la grande débrouille côtoiera-t-elle celle de causes plus nobles, dont la solidarité, le partage, et l’exigence vis-à-vis de l’offre ? Celle-ci aura la responsabilité majeure de proposer une qualité accessible à tous, une rassurance via l’honnêteté de ses discours, un futur alimenté d’actions environnementales pour des impératifs de « plus-d’être », au-delà de la stimulation pulsionnelle qui érodent la pensée, le désir et la confiance.
L’offre (de produits, de services, d’imaginaires), responsabilité du marketing, doit être l’outil de construction de cette nouvelle ère. Le progrès sans sens où le plus est le mieux n’est plus de mise, ni l’activation par le marketing de la demande en rendant toujours plus désirable le dernier modèle de smartphone, le SUV le plus puissant, la destination de vacances la plus exotique. Il nous faudra réinventer une offre plus respectueuse des hommes et de l’environnement, et sortir de l’incrémentation infinie et inconditionnelle. Une voie serait-elle celle d’une posture qui ferait preuve de modération et de pragmatisme dans les promesses ? Mais quid des imaginaires … Il ne s’agit pas de prôner un marketing de la décroissance mais de viser une juste croissance, inspirée des propos d’Edgar Morin qui nous invite1 à faire le tri entre « croissance (de l’économie des besoins essentiels, du durable, de l’agriculture fermière ou bio) et décroissance (de l’économie du frivole, de l’illusoire, du jetable) ». [Le Monde du 19 avril 2020]
Le marketing devra-t-il tourner la page de la fuite en avant, de « l’insoutenable légèreté de l’avoir » infantilisante, pour se concentrer sur des solutions porteuses d’un progrès social pour des univers désirables, qui associent plaisir de l’instant et satisfaction de la durabilité ? Mais dans un monde imprévisible, la durabilité a-t-elle son sens quand pour une part grandissante de la population, l’enjeu sera de durer jusqu’à la fin du mois ? Savoir s’inscrire et inscrire nos offres à la fois dans cette urgence du temps court, dans cette nécessaire consommation, qui pour certains est la seule source de plaisirs accessibles au quotidien, tout en s’assurant qu’elle soit viable pour l’humain et son environnement, tel est l’enjeu d’un marketing d’honnêteté et de crédibilité, pour co-construire dans l’idée de progrès et de croissance juste.
Quant à la communication, elle devra puiser dans les complexités de l’humain, adaptation, résilience, souplesse, sens, créativité, et refuser de le rabattre à ses seuls besoins. Dire et faire pour qu’une essentialité « transcendante » transforme le « moins » en « mieux » dans les domaines vitaux de l’alimentation, de l’environnement, de la culture et du lien.
Le marketing devra être activiste : se transformer de l’intérieur dans ses relations intra-entreprises en ouvrant les départements, en cassant les silos ; avec les parties prenantes, actionnaires, salariés et consommateurs compris, prendre une place de co-décideur dans les engagements et les missions de l’organisation. Les consommateurs, dans leurs choix et dans leur posture, auront une part non négligeable à jouer avec celle que les marques devront adopter pour générer la confiance indispensable qui fait lien.
Cette crise est en effet différente des autres crises, car elle questionne, elle fait bouger les lignes, elle laisse ouverts tous les futurs possibles. Au marketing et ses alliances d’aller vers celui où chacun pourra trouver sa place. Il y va de la responsabilité de tous.
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