Le dernier défi du marketing : réformer l’entreprise … et pourquoi pas la société tant qu’ils y sont ???
Provocateurs, les membres du Conseil Scientifique de l’Adetem ? Des donneurs de leçons déconnectés des réalités quotidiennes ?
Réformer … du latin reformare, « rendre à sa première forme, refaire » dixit le Gaffiot – Le dictionnaire latin de référence –, puis au figuré « réformer, améliorer, corriger ». Question : avant de refaire, améliorer, corriger, le marketing joue-t-il, ou a-t-il joué un rôle de formateur, créateur, bâtisseur, facilitateur dans ce que sont les entreprises et la société aujourd’hui ?
Concernant les premières, le marketing a toujours eu un rôle de phare – c’est même sa raison d’être première ! Le marketing explicite les attentes des consommateurs, actuelles et futures – c’est son rôle de vigie – et aide à concevoir, produire et commercialiser des produits et des services susceptibles de séduire les clients.
Concernant ces derniers, le marketing contribue, avec les médias – informations, séries, documentaires, etc. – à créer un « modèle social de référence » auxquels les gens vont se conformer, comme Roland Barthes l’a parfaitement analysé dans la Système de la Mode : en ce sens, le marketing façonnera la société de con-sommation.
Bien sûr, ce cadre idéal pour évoluer d’une entreprise à l’autre – et bien évidemment en mal, notamment quand la finance prend le pouvoir et empêche au marketing de jouer son rôle de vigie. Ou quand le savoir-faire technologique des fondateurs l’emporte sur … tout le reste, comme dans bien des startups !
Le problème majeur auquel le marketing et les entreprises se trouvent aujourd’hui confrontés est celui de l’extrême fragmentation de la population et de l’exceptionnelle complexité à la comprendre … et surtout à anticiper ses attentes et comportements.
Crises multiples et fractures sociétales se superposent : environnementales, sanitaires, sociales, économiques, politiques, etc. Notre « modèle social de référence » se révèle obsolète : il convient de le réformer !
Réformer, dans un monde de moins en moins compréhensible – et surtout, de moins en moins prédictible !
Réformer : à qui revient ce rôle ? A tous les acteurs : politiques certainement, mais aussi médiatiques, journalistiques … et marketing. Surtout marketing de-vrais-je dire, car à avoir trop vanté le modèle d’une consommation immodérée, le marketing porte une responsabilité particulière dans la situation actuelle.
Réformer en proposant un autre modèle de société aux consommateurs … pas si simple ! Car comment expliquer qu’il faut renoncer au paraître quand on a vendu du superflu pendant des décennies, qu’on a seriné qu’il fallait coller aux tendances ; et surtout, que répondre à ces gens qui disent acheter de la fast fashion non par pour coller à la mode, mais parce qu’ils n’ont pas les moyens de mettre un centime de plus ?
Comment pratiquer un marketing honnête, durable, quand vos concurrents vous taillent des croupières en se contentant de greenwashing ?
Et comment le faire accepter dans son entreprise – notamment aux financiers, mais pas que !
Là, le marketing va reprendre, amplifier son rôle de vigie, décoder la société, comprendre ce que souhaite une population multiple, voire contradictoire, qui se cherche … et surtout bien souvent, cherche seulement à ne pas perdre pieds.
Et conjuguer leurs attentes, attitudes, comportements avec des nécessités sociales, sociétales, environnementales, etc., nouvelles ; d’autant que le marketing, en segmentant à l’outrance, a longtemps contribuer à cliver, morceler la société : pourra-t-il « recoller les morceaux » ?
Pourra-t-il expliquer à ses dirigeants et/ou collègues et/ou collaborateurs qu’il faut « recoller les morceaux », et qu’il faut qu’ils jouent un rôle très actif dans cette réforme de la société.
Bref, leur apprendre à se réformer pour réformer le monde : on change de paradigme, mais le futur passe nécessairement par là.
François Laurent : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Consultant de responsiblegrowth