Dans son dernier manifeste, à paraître à l’occasion des 70 ans de l’Adetem, son Conseil Scientifique appelle « le marketing à générer du désir autour des 3Ps (Planet, People, Profit), et à permettre l’éclosion harmonieuse de l’écologie nécessaire à la prospérité de l’entreprise et au-delà de notre société. Le marketing doit redonner à notre société l’envie de faire affaire avec ce monde tel qu’il est. »
Cette ambition très belle et très performative peut apparaitre comme faisant fi du passé et des dérives collectives qui ont conduit notamment à l’urgence climatique. Non pas qu’il soit seul et diaboliquement coupable des extrémités auxquelles nous ont conduit la société de la consommation, mais la profession porte sa part de responsabilité. Je ne souscris pas à une vision du marketing qui ne serait qu’un simple instrument au service de la résolution d’une problématique x ou y. Les outils, quels qu’ils soient éclosent et se définissent sans cesse dans un champ d’interdépendances plus complexe où le langage et ses applications impactent leur définition et leur appropriation par les acteurs. Le marketing a ainsi été et demeure encore un « outil du plus ». Plus de parts de marché, plus de cibles, plus d’usages… en dénichant les besoins insatisfaits, le levier de croissance, les insights prometteurs, il se fait la caisse de résonnance des attentes sociétales. Il les amplifie en les écoutant. Cette résonnance est-elle raisonnée ? D’où viennent les garde-fous ? Souvent de l’extérieur : contrainte règlementaire, société civile et bad buzz… Qui donne vraiment ses limites au marketing ? Né avec la société de consommation il s’est avéré d’une efficacité redoutable. Subtil alliage de la croissance et de la performance. Or, c’est tout cela que vient bousculer l’urgence climatique et notamment la capacité de chacun à faire différemment ou parfois, il faudra bien finir par l’admettre, à faire moins.
Cette génétique là, je crois qu’il faut l’intégrer pour collectivement mieux la requestionner. Prendre conscience de ce point de départ, pour ne pas verser dans le fatalisme et questionner en profondeur l’éthique de la pratique. Une enquête conduite auprès de la profession au sujet des enjeux RSE mettait notamment en avant la prévalence d’une injection paradoxale chez les professionnels du marketing. Un conflit intérieur entre des aspirations intimes appelant chacun et la société à des actes plus responsables et certaines décisions et travaux conduits au sein de leurs entreprises. C’est un Momentum délicat, un virage à négocier.
Il semble que cette injonction paradoxale entre aspirations individuelles et parfois injonction à la performance, ou à poursuivre « les bonnes vieilles méthodes », ne peut durer. Non pas, par principe, mais tout simplement parce que si les injonctions paradoxales sont consubstantielles de l’humanité, elles sont par nature éphémères… bousculées par un besoin fondamental de cohérence et d’unité. On constate ces tensions au sein de l’ensemble de la profession, des entreprises ; nous sommes nombreux à appeler à toujours plus de responsabilité. Alors que faire ?
Ne pas renier le passé d’une part et réembrasser les autres qualités fondamentales que le Marketing a toujours su porter d’autre part. En ce moment, Henri Bergson, rock star de la philo de son vivant, revient dans les charts. Son tube de la récapitulation créatrice ressort, ce grand mouvement qui fait que ce n’est qu’en prenant conscience de l’entièreté des choses, et du passé que l’on peut avancer et progresser. Lisez ou écoutez Charles Pépin à ce sujet, il est passionnant.
Pour toujours mieux se saisir de ces enjeux, j’ai la conviction que le marketing doit faire son examen de conscience. Se rappeler qu’il reste un outil de l’efficience, mais qu’il doit s’exercer dans un cadre ou la question de la responsabilité collective est plus que jamais un incontournable.
La Française des jeux, de par la nature des produits qu’elle commercialise est particulièrement familière de cette question et de cet examen de conscience perpétuel. Elle se trouve au sein de sa raison d’être : « Le jeu est notre métier, la contribution à la société notre moteur et la responsabilité notre exigence ». Ainsi nos équipes marketing travaillent au côté des autres parties prenantes pour divertir nos clients en œuvrant à la protection de nos joueurs, et cela sur l’ensemble de la chaine de valeur, depuis la conception de nos produits jusqu’à leurs externalités. Elle œuvre pour un marketing conscient qui trouve sa juste place dans les liens d’interdépendance de l’entreprise, au service d’un objectif commun faisant sens avec les enjeux sociétaux.
Ainsi, un double changement est en marche dans la position du marketing chez FDJ, comme dans beaucoup d’entreprises. Il doit se poursuivre et s’amplifier.
D’une part, un changement interne : le marketing sera intrinsèquement responsable ou ne sera pas. Et d’autre part, un changement externe, dans sa relation aux parties prenantes de l’entreprise, avec des enjeux de synergie beaucoup plus ténus.
Ainsi lorsque Carolee Schneemann évoque « la ferme attente des grands moments que nous allons vivre ensemble » à propos du sujet brûlant des rapports de genre, on ne peut s’empêcher de penser aux applications d’une telle affirmation dans le champ du Marketing et d’être, nous aussi, impatients.
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