Edito – Adetem https://adetem.org Le 1er réseau du marketing Mon, 21 Oct 2024 13:56:08 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 Se différencier et faire commun : oui c’est possible, le vivant nous le prouve chaque jour depuis plus de 3 milliards d’années ! Par Philippe Rondeau https://adetem.org/se-differencier-et-faire-commun-oui-cest-possible-le-vivant-nous-le-prouve-chaque-jour-depuis-plus-de-3-milliards-dannees-par-philippe-rondeau/ https://adetem.org/se-differencier-et-faire-commun-oui-cest-possible-le-vivant-nous-le-prouve-chaque-jour-depuis-plus-de-3-milliards-dannees-par-philippe-rondeau/#respond Tue, 11 Jun 2024 07:45:15 +0000 https://adetem.org/?p=104852 Qu’il est loin le temps où le PDG d’une grande marque pouvait dire : « le client peut choisir la couleur de sa voiture, pourvu que ce soit noir ». Depuis Henri Ford, le marketing s’est installé dans les entreprises pour ne plus imposer au consommateur ce qui convient à l’entreprise mais au contraire imposer à l’entreprise de s’adapter aux besoins des consommateurs. Le marketing a ainsi réformé une première fois l’entreprise.

Se faisant, le marketing a développé des stratégies de différenciation, en créant des marques et des produits pour certaines personnes, groupes, communautés ou certains usages, poussant la démarche jusqu’à la personnalisation des offres pour que celui qui le souhaite puisse avoir un produit unique.

Cette liberté nouvelle pour le consommateur de trouver le produit qui lui ressemble a eu, cependant des effets pervers.

La compétition entre les marques a poussé à l’hyper différenciation alors que souvent l’utilité, donc le besoin à satisfaire était le même. Pour justifier quand même la pertinence d’une offre, le marketing a mis en exergue ce qui différencie les uns des autres, d’abord des éléments socio-économiques puis de plus en plus des comportements, des croyances…

Le consommateur s’est retrouvé dans un système où le fait de choisir un produit ou une marque le positionnait dans une « typologie » et l’habillait de ce fait d’un ensemble de valeurs intrinsèques à ce groupe auquel on l’affiliait. Dans certains cas, l’acte d’achat était délibérément le moyen de se parer de ce nouveau costume et d’en être fier, dans d’autre cas cet affublement était subi. Mais dans tous les cas, la marque imposait au consommateur de choisir son camp (Apple ou IBM, Coca ou Pepsi…).

Peu à peu la consommation est devenue un marqueur de sa singularité et même de son identité. Ainsi, nous avons construit une société de consommation où il n’y a plus de particularités au sein d’un groupe partageant du commun, c’est-à-dire d’espaces de liberté dans un ensemble cohérent, il n’y a plus que du particularisme, c’est-à-dire une liberté sans limite qui se détermine en opposition aux autres.

Le marketing en développant la différenciation a donc « dispersé façon puzzle » ce qui fait notre commun.

Comme chaque tendance produit sa propre contre-tendance, certaines marques ont pris le parti de (re)construire du commun, en annonçant que chaque particularité était la bienvenue (« venez comme vous êtes »), en se présentant comme emblème de ce qui fait un peuple (« on n’est pas carré, on est hexagonal » https://www.youtube.com/watch?v=NW-Rgouu4_4) ou en s’appropriant tous les imaginaires positifs d’une culture (« made of France » https://www.youtube.com/watch?v=8EEWp5BV05w).

Les marques, en essayant de proposer un consensus social autour de valeurs sélectionnées par elles-mêmes, fabriquent ce que Raphael Llorca appelle un nouveau « roman national ». Mais est-ce bien leur rôle que d’investir ainsi un champ politique ? Et quel risque cela peut engendrer ? Faute de contrôle et de déontologie, comment assurer que la vision de la société portée par une marque construise le bien commun ? Car il n’y a pas de commun possible sans règle et limite et les marques ne sont jamais très favorables à en poser.

D’autre part, s’ériger en défenseur du bien commun, peut parfois n’être finalement qu’une autre manière de créer de la différenciation, au risque de ne pas être au rendez-vous de ses promesses et de générer une forte déception auprès de son public.

Cependant, certaines marques défrichent une voie nouvelle, fondée sur un commun à développer et avec un marketing qui se différencie des approches traditionnelles.

On peut citer Loom dans le textile ou Mustela dans les soins pour bébé. Dans ces deux cas le commun à promouvoir est celui d’un monde durable et la différenciation se traduit par la mise en lumière de limites à ne pas dépasser ou de renoncements à faire, là où les autres marques continuent de promettre une consommation sans entrave et sans limite.

Ce nouveau marketing n’est pas simplement incantatoire, il agit, au risque d’imposer des contraintes trop fortes à ses clients qui pourraient alors se détourner de la marque. C’est pourquoi en complément, il construit surtout la désirabilité des nouvelles pratiques à mettre en œuvre pour un monde durable et les démocratise pour en faire un commun fédérateur. Il ne réécrit pas un nouveau « roman national » mais propose les premiers récits d’une nouvelle culture universelle respectueuse du vivant. Le vivant n’exclue pas, n’oppose pas et force à tisser des liens, c’est donc en lui qu’il faut aller rechercher la source d’un nouveau commun.

Le marketing a la capacité de réformer à nouveau l’entreprise en la redirigeant vers le vivant.

A chaque marque désormais d’imaginer comment embarquer ses consommateurs dans la construction d’une société inclusive préservant le vivant. Et comme le vivant est d’une incroyable diversité et une source inépuisable d’inspiration, chaque marque peut y puiser de quoi consolider sa différence.

 

Philippe Rondeau : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Directeur Développement durable de Sodebo
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Le marketing post-croissance : Concilier liberté et responsabilité – Par Nicolas Petitjean https://adetem.org/le-marketing-post-croissance-concilier-liberte-et-responsabilite-par-nicolas-petitjean/ https://adetem.org/le-marketing-post-croissance-concilier-liberte-et-responsabilite-par-nicolas-petitjean/#respond Tue, 11 Jun 2024 07:39:58 +0000 https://adetem.org/?p=104651 Le marketing a toujours été un moteur de la croissance économique et de la libération des consommateurs. Grâce à des campagnes stratégiques, des promotions innovantes et une publicité ciblée, le marketing a élargi les choix des consommateurs et stimulé l’activité économique. Cependant, les conséquences d’un consumérisme effréné devenant de plus en plus évidentes, il est urgent de repenser les pratiques de marketing. Comment pouvons-nous continuer à susciter les désirs des consommateurs tout en respectant les ressources limitées de notre planète ? Cet essai examine le potentiel d’évolution du marketing, en équilibrant la liberté individuelle et la responsabilité collective, pour le plus grand bénéfice de la société et de l’environnement.

La contribution du marketing à la libération du consommateur et à la croissance économique

Historiquement, le marketing a joué un rôle essentiel dans la libération des consommateurs et la stimulation de la croissance économique. En promouvant de nouveaux produits et services, le marketing a élargi les choix des consommateurs, favorisant l’innovation et la concurrence entre les entreprises. Les stratégies traditionnelles telles que la segmentation, le ciblage et le positionnement ont permis de répondre efficacement aux divers besoins et désirs des consommateurs, alimentant ainsi la demande et stimulant le développement économique. Au début du XXe siècle, par exemple, le marketing de masse a considérablement élargi la portée des biens de consommation, rendant les produits accessibles à un public plus large. Les campagnes publicitaires ont suscité la prise de conscience et l’intérêt, stimulant les ventes et contribuant à la croissance économique. L’essor du marketing numérique a encore amplifié ces effets, en permettant un engagement plus personnalisé et plus efficace des consommateurs.

 

Conséquences d’un consumérisme effréné

Cependant, la poursuite incessante des désirs des consommateurs a eu des répercussions importantes sur l’environnement et la société. Le consumérisme sauvage a entraîné une dégradation de l’environnement, notamment la pollution, l’épuisement des ressources et le changement climatique. La production, la consommation et l’élimination des biens génèrent des déchets, augmentent l’empreinte carbone et pèsent sur les ressources naturelles. Cette culture de la consommation perpétue des modes de vie non durables et soulève des préoccupations éthiques quant aux effets à long terme sur les générations futures. L’industrie de la mode, qui s’appuie sur les tendances de la fast fashion, est l’un des principaux responsables de la pollution de l’environnement et des déchets. De même, l’industrie technologique, avec ses cycles de production rapides et son obsolescence programmée, est à l’origine d’une quantité importante de déchets électroniques. Ces exemples soulignent la nécessité urgente de se pencher sur les implications environnementales et éthiques des pratiques de marketing actuelles.

 

L’évolution du marketing pour concilier liberté et responsabilité

Pour relever ces défis, le marketing doit évoluer pour promouvoir une consommation durable et responsable. Il s’agit de passer de la simple stimulation des désirs à l’encouragement de la consommation réfléchie et de la durabilité. Les stratégies de marketing peuvent être réorientées pour mettre en évidence les éléments suivant les avantages environnementaux et sociaux des produits, en promouvant des biens respectueux de l’environnement et produits de manière éthique. La transparence et les pratiques éthiques sont essentielles pour gagner la confiance des consommateurs et guider la consommation responsable. Les spécialistes du marketing peuvent mettre l’accent sur les caractéristiques de durabilité des produits, telles que l’utilisation de matériaux recyclés, des processus de fabrication économes en énergie et des pratiques de travail équitables. L’intégration des principes de l’économie circulaire, où les produits sont conçus pour être réutilisés et recyclés, peut permettre d’aligner davantage le marketing sur les objectifs de durabilité. Les initiatives de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et le marketing lié à une cause peuvent également jouer un rôle important. En soutenant des causes environnementales et sociales, les entreprises peuvent démontrer leur engagement en faveur du bien-être collectif, améliorant ainsi la réputation de leur marque et la fidélité des consommateurs.

 

Le rôle des spécialistes du marketing dans la promotion de la consommation durable

Les spécialistes du marketing ont un rôle crucial à jouer dans l’éducation des consommateurs aux avantages d’une consommation durable et éthique. Grâce à des campagnes d’information, les spécialistes du marketing peuvent sensibiliser les consommateurs à l’impact environnemental et social des produits et les encourager à faire des choix responsables. Les collaborations avec des marques et des organisations qui accordent la priorité à la durabilité peuvent amplifier ces efforts, en promouvant des produits qui s’alignent sur les valeurs éthiques. Les plateformes numériques et les médias sociaux constituent de puissants outils de sensibilisation et de promotion de la consommation responsable. Un contenu attrayant, tel que des histoires, des vidéos et des infographies, peut communiquer efficacement l’importance de la durabilité et inspirer un changement de comportement. La création de récits convaincants autour de la durabilité peut trouver un écho auprès des consommateurs, les rendant plus enclins à adopter ces pratiques dans leur vie quotidienne.

 

Études de cas de marketing post-croissance

Plusieurs entreprises ont mis en œuvre avec succès des stratégies de marketing post croissance, servant ainsi d’exemple à d’autres. Patagonia, par exemple, est réputée pour son engagement en faveur de la durabilité environnementale, promouvant des produits durables et encourageant les consommateurs à acheter moins. Unilever, par le biais de son plan de vie durable, intègre la durabilité dans sa stratégie commerciale et ses efforts de marketing, en promouvant des produits qui contribuent à un monde meilleur. IKEA a adopté le concept d’économie circulaire en encourageant le recyclage des meubles et en proposant des produits fabriqués à partir de matériaux durables. Tesla, en se concentrant sur le développement et la commercialisation de véhicules électriques, s’est positionné comme un leader de l’innovation durable. Ces exemples démontrent qu’il est possible pour les entreprises de prospérer tout en donnant la priorité à la durabilité et à la responsabilité.

En conclusion, l’évolution du marketing est essentielle pour équilibrer la liberté individuelle et la responsabilité collective. En promouvant une consommation durable et éthique, les spécialistes du marketing peuvent contribuer à une planète plus saine et à une société plus équitable. L’avenir du marketing réside dans la redéfinition de son rôle au sein de l’entreprise et de la société, en mettant l’accent sur la transparence, les pratiques éthiques et la durabilité. En réorientant les stratégies de marketing et en tirant parti de la puissance du numérique, les spécialistes du marketing peuvent contribuer à l’amélioration de la santé de la planète et de la société les spécialistes du marketing peuvent inciter les consommateurs à faire des choix responsables, en veillant à ce que la croissance économique et la libération des consommateurs ne se fassent pas au détriment de notre planète finie.

 

Références : 

– Plastow, H. (s.d.). Marketing in a Post-Growth Economy : L’avenir régénérateur du marketing. https://www.linkedin.com/pulse/marketing-post-growth-economy-regenerative-future-harrison-plas tow/

– Campagne Asie. (n.d.). Le marketing peut-il concilier ses objectifs de croissance et de durabilité ? https://www.campaignasia.com/article/can-marketing-reconcile%C2%A0its-growth%C2%A0and-sus tainability-goals/496558

– Sage Journals. (n.d.). Look up ! Cinq propositions de recherche pour repenser le marketing dans une économie post-croissance. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/20515707231221614

– Parlement européen. (2023). De la croissance à l’après-croissance : Concepts et défis.

 

Nicolas Petitjean : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Co-fondateur & DG de
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Responsabilité et liberté : le marketing au défi de demain – Par Xavier Charpentier https://adetem.org/responsabilite-et-liberte-le-marketing-au-defi-de-demain-par-xavier-charpentier/ https://adetem.org/responsabilite-et-liberte-le-marketing-au-defi-de-demain-par-xavier-charpentier/#respond Tue, 11 Jun 2024 07:39:55 +0000 https://adetem.org/?p=104682 Revenir aux origines.

Quel avenir pour le marketing, entre responsabilité et liberté ? Pour répondre à cette question, peut-être faut-il d’abord revenir aux origines du marketing, explorer son passé, et celui du monde qui l’a vu naître et se développer. Pour mieux comprendre où nous en sommes, où il en est aujourd’hui.

On s’accorde à dire qu’un des actes de naissance du marketing est la transformation d’un modeste baume pour la peau inventé par Louis Nathan, un Français, à l’orée du XXe siècle, en machine de guerre commerciale au succès d’abord américain, puis mondial. Et ce grâce aux talents d’un homme, Michael Winburn à la fois marketeur et publicitaire avant la lettre, qui conceptualisa le premier ce que veut dire positionner un produit sur un marché, auprès d’une cible, en faire une proposition de valeur qui rencontre une demande, qui révèle et satisfait les besoins d’une population, tant en termes rationnels qu’en termes émotionnels. Le premier à avoir opéré, en 1912, la transmutation d’un simple produit d’hygiène en véritable marque, le bébé Cadum entrant de plain-pied dans la culture populaire, devenant une icône pour des générations de consommateurs.

Mais quel était le monde dans lequel Cadum est devenu une marque, et le marketing une fonction clé de l’entreprise ? Dans quel environnement cette naissance a-t-elle eu lieu ? Quelques chiffres : quand Louis Nathan et Michael Winburn inventaient ensemble cette nouvelle façon de voir l’entreprise, le marché, le consommateur, la publicité – qu’on appelait encore réclame – ils travaillaient sur un marché de 95 millions d’Américains. Cinquante ans plus tard, dans les années 60, 300 millions d’Européens de l’Ouest s’étaient ajoutés aux consommateurs américains, qui étaient alors 180 millions, pour constituer le marché dans lequel se créaient les propositions de valeur dignes de s’installer dans les foyers des ménagères et les marques dignes d’entrer dans la culture populaire. Ce marché « mondial » de moins de 500 millions d’habitants était directement corrélé à un système politique, social, et même éthique, précis, accepté par tous, et même revendiqué comme le meilleur ayant jamais existé : un capitalisme plutôt tempéré, lié aux idées de démocratie libérale et de société de progrès. Le marketing au cœur de la consommation participait de l’avancée vers plus de bien-être, mais aussi plus d’égalité et de libertés individuelles – puisque choisir une marque, acheter un produit plutôt qu’un autre est aussi un acte de liberté, quand l’offre nous permet de le faire. Est-ce que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ? Non bien sûr, mais le sentiment était quand même que tout allait bien. La cohérence du système semblait profitable à tous, et sa soutenabilité n’était pas ou peu remise en cause. En 1974, René Dumont, premier écologiste candidat à l’élection présidentielle en France contre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, restait un scientifique militant, au discours ne rencontrant qu’un écho très relatif dans les médias et auprès du grand public. Une voix dans le désert plus qu’un lanceur d’alerte écouté.

 

Aujourd’hui tout a changé.

Quelques chiffres en contrepoint de ceux que nous venons de citer ? Philippe Kotler, dans Marketing Management, publié en France en 1971 pour la première fois, et bible de générations de marketeurs, écrivait ceci : « Les marchés se composent de gens. Si tout était réparti de façon égale, les plus grands marchés du monde seraient la Chine (647 millions d’habitants), l’Inde (449 millions d’habitants), et l’URSS (221 millions d’habitants). Ce n’est cependant pas le cas, en raison de grandes différences de production et de revenus nationaux. En fait, les États-Unis avec seulement 6% de la population mondiale, jouissent d’environ 36% du revenu mondial, et l’Europe, avec 22% de la population du globe, de 36% du revenu mondial. » En 2023, les ventes de voitures neuves en Chine représentent 30 millions de véhicules sur un marché total de 83 millions de véhicules vendus dans le monde1. Celles de produits de beauté et de soins, dans ce pays qui n’existait simplement pas pour le marketing au début des années 90, sont passées de 37,5 milliards de dollars en 2013 à 57,2 en 20232. La Chine étant bien sûr l’épicentre de cette révolution – l’avènement d’une part gigantesque de l’humanité à la société de consommation – mais ne devant pas faire oublier les autres émergents qui participent eux aussi à ce changement majeur de paradigme comme le Brésil ou l’Inde.

C’est une évidence : quand le monde change à ce point, tout change pour les entreprises et donc le marketing. En 1973, alors que les Trente Glorieuses prenaient fin et que la crise pétrolière marquait un premier arrêt pour la société de consommation, Alain Peyrefitte écrivait un livre prémonitoire, au titre emprunté à Napoléon : « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera. » Le monde a changé, les émergents se sont éveillés, et c’est le marketing qui tremble. Puisqu’il apparaît évident que ce qui était soutenable, pour une humanité « éligible » à la société de consommation de moins de 500 millions d’individus, ne l’est plus aujourd’hui. Parce que l’arrivée concomitante du web et de tout ce qu’il permet quand il n’est pas régulé modifie aussi radicalement la donne, avec l’irruption de la publicité dans tous les domaines et à tous les moments de notre vie. Parce que les règles les règles du jeu ont changé, avec le développement d’une offre toujours plus pléthorique de services et de produits dont certains sont toujours moins durables – la fast fashion représentant l’avatar le plus emblématique de cette évolution dont chacun comprend, aujourd’hui, qu’elle n’est pas soutenable dans les limites que notre planète nous impose.

En un peu plus de 30 ans, tout se passe comme si une époque bénie ou tout allait bien pour l’entreprise, la société de consommation, et le marketing, avait laissé place à des temps difficile où tout va mal parce que tous nos repères sont obsolètes, et la vocation même de nos métiers de créateurs de désir et d’imaginaire mise en cause.

 

Et maintenant ?

Face à cette situation, que faire ? Jeter aux oubliettes le modèle dans son ensemble ? Oublier que la société de consommation a été, malgré ses défauts et ses limites, une formidable pourvoyeuse de mieux-être pour des centaines de millions d’humains ? C’est une tentation. Pour certains c’est même clairement un projet : la décroissance comme horizon, la « frugalité heureuse » comme objectif – si ce n’est pour tous, du moins pour certains, pour ceux qui auraient les moyens de vivre de façon à la fois responsable et en accord avec leurs aspirations et le mode de vie qu’ils aiment… Mais pas pour ceux qui n’ont pas les moyens d’habiter en centre-ville, de ne se déplacer qu’à vélo, ou en train, de ne manger que bio, de ne s’habiller que durable… On le voit bien, dans nos sociétés fières à juste titre d’être des démocraties libérales – et singulièrement dans la société française où l’égalité est la valeur cardinale – cette perspective n’est pas plus soutenable que ne l’est pour la planète la poursuite de la société de consommation d’avant. Mais alors quelle troisième voie ? Et comment la dessiner ?

Trois pistes de réflexion peuvent être proposées, avec beaucoup d’humilité, pour aider le marketing à dépasser cette contradiction dans laquelle il ne peut se laisser enfermer. Et dans laquelle nous ne pouvons nous laisser enfermer, collectivement, non seulement en tant que professionnels du marketing, mais en tant que citoyens. Trois questions auxquelles répondre ensemble.

D’abord, comment redéfinir la mission du marketing, en lui redonnant une ambition de fond, au coeur de l’entreprise ? Comment en faire ou en refaire une expertise qui aide à construire une offre responsable ? Revenir au cœur de la dimension industrielle de l’entreprise, au-delà des notions de mise sur le marché et de stimulation de la demande qui tendaient trop souvent à le définir, dans le passé. Le revaloriser en tant que véritable partenaire industriel, responsable, aux côtés des ingénieurs et des inventeurs, de la conception de ce qui est à la fois pertinent pour le consommateur, et soutenable pour son environnement.

Ensuite, comment préserver les libertés fondamentales qu’incarne encore, à sa façon, la liberté de consommer ? Décider, se tromper, essayer, changer puis revenir à ses choix précédents, céder à une mode puis l’abandonner ou au contraire se dire qu’elle nous convient bien… Comment se préserver d’un nouvel ordre moral qui ne dirait pas son nom, et qui refuserait à certains un droit à consommer qui est aussi un droit au confort, au mieux-être, à l’individualité ? Quel compromis élaborer, sur quelles bases, avec quels interlocuteurs ? Question directement corrélée, bien sûr, à la première. Puisqu’elle implique dans certains cas, pour l’entreprise, une réflexion de fond sur des enjeux industriels critiques et des enjeux politiques explosifs – par exemple, comment préserver la liberté fondamentale de se déplacer à titre individuel de façon sûre, agréable et responsable, ou de manger ce qu’on aime sans participer au réchauffement climatique.

Enfin, comment préparer l’avenir et donner du sens au marketing dans le monde qui vient et qui est même déjà là ? Comment former de nouvelles générations d’experts capables de ne pas s’abriter derrière des postures ou des injonctions morales risquant d’enfermer l’entreprise dans une contradiction sans issue – satisfaire des besoins et être profitable tout en diabolisant ces besoins et le fait d’être profitable ? Pour inventer un nouveau modèle de marketing qui articule liberté et responsabilité, et pour cela forger de nouvelles armes, de nouveaux outils conceptuels. Et d’abord pour identifier les expertises et les savoirs que nous devons lui associer, pour penser et agir autrement, mais toujours au profit du plus grand nombre et en accord avec des valeurs qui fondent le marketing. Parce qu’elles fondent, en réalité, nos sociétés libérales avancées.

 

Xavier Charpentier : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Co-Founder de FreeThinking
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Différencier et faire commun n’est pas un oxymore ! Par Danielle Rapoport https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-nest-pas-un-oxymore-par-danielle-rapoport/ https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-nest-pas-un-oxymore-par-danielle-rapoport/#respond Sun, 09 Jun 2024 14:52:53 +0000 https://adetem.org/?p=104646 De même que les modalités électorales sont à penser à l’aune de l’évolution de consommation, avec son lot de pulsions et d’émotionnel, « citoyenniser » les attitudes des consommateurs, est-ce une voie possible pour le marketing, qui s’inscrirait dans un nouveau « roman national » où les entreprises et les marques iraient de leur voix et leur voie. Avec face à eux des individus citoyens-consommateurs, pour l’ensemble en mal d’adhésion, de croyance et de confiance. Ce serait la mission des marques, leur « good willing », là où échouent les confrontations politicardes, décrédibilisées, et où prônent antagonismes, incompatibilités et rejet de l’autre.

Est-ce une façon de « faire commun » ou de s’engouffrer dans l’impasse des fausses promesses et d’un social washing ? Si ce n’est pas aux entreprises d’hériter de ce rôle, elles pourraient rassembler sous une bannière de sens, si ce n’est l’unanimité du moins des entités de groupe, comme réponse au chaos politico-social. Construire de nouveaux attachements, des liens de confiance et de croyance, n’est-ce pas le désir des marques chahutées par des consommateurs de plus en plus exigeants et éprouvés dans leur vie quotidienne ? Des exemples ne manquent pas à l’appel d’un mieux-vivre pour soi et ensemble, car adhérer à des valeurs de consensus qui transcendent son propre moi ne s’oppose pas au besoin d’une personnalisation d’une offre et à la reconnaissance de ses vrais besoins, comme réponse juste et singularisée.

En sous bassement de ces faces conjointes, différencier et faire commun, la visibilité des inégalités heurte le chaland et peut exacerber plus encore le repli et les revendications individuelles non satisfaites. Y remédier serait un antidote majeur, sachant tout le monde ne peut recevoir de réponses adéquates.

Sachant aussi que ces inégalités jouent la synergie entre l’offre et la demande.

Sans exhaustivité, celles de l’offre tournent autour de la non accessibilité pour tous du bon et du bien – pour soi, pour la planète – même si le savoir-consommer sait faire la part des choses. Le positionnement beauté/santé d’un yaourt de Danone à l’huile de bourrache n’a pas suffi à sauver le produit malgré la notoriété de la marque. Trop de segmentations mal digérées par des équipes en quête d’innovations mal conçues nuisent à la solidité d’une marque qui se veut « démocratique » au global… et risquent par un prix majoré sans bénéfice perceptible une perte de cohérence et de crédibilité !

Ce défaut de cohérence nuit à la justesse d’offres qui se veulent « plus good que good » en œuvrant pour le bien commun par des prophéties auto-réalisatrices, provoquant les dérives que l’on sait du « good-washing ». La palette de mea culpa de promesses mal tenues ne suffisent pas à alimenter un « commun » basé, entre autres, sur les racines profondes et identitaires des marques. L’exemple d’un président qui veut offrir une France transcendée par les JO, ne suffit pas à rassembler les laisser pour compte de ces résidents parisiens dans leurs difficile accès à leur domicile et leur travail. Et faire payer des services postaux à des seniors, en soi une diversification du groupe Le Poste, fait perdre la notion même de « contrat social », entre le public et la société civile en adoptant des transactions chères au privé.

Du côté de la demande, on peut évoquer entre autres les difficiles accès au tout digital pour des populations non aguerries, et évidemment les inégalités socio-économico-culturelles qui jouent sur les capacités d’arbitrage, entre pulsions et gestion positive des réels besoins.

Que ce soit par une hyper-diversification qui risque l’exclusion de certaines populations et la perte de l’ancrage racinaire d’une marque, et un méta-concept rassembleur à tout prix mais sans sens perceptible, un travail de coordination place le marketing en première ligne.

Car différencier et faire commun ne vont pas l’un sans l’autre. Différencier c’est prendre en compte des populations diversifiées, tout en créant une envie d’appartenance et d’adhésion à une marque reconnaissante. Et faire commun est plus qu’un surf opportuniste sur les tendances. C’est mettre en adéquation une « transcendance » – La France, la Santé, l’Environnement, le Végétal etc. – et ses preuves dans le réel pour diverses populations.

Si le consensus n’est pas l’unanimité, on pourrait imaginer des communautés d’individus reliés par des règles communes et pour le bien commun. Et contrairement au (super)pouvoir du politique, le marketing pourrait offrir une image démocratisée et arrimée à la confiance, à la clarté des offres, à la désirabilité d’appartenance. Sous condition que les bénéfices secondaires soient perceptibles et aillent dans le bon sens. Celui choisi par les marques via leur territoire et leurs valeurs pour ne pas exclure mais singulariser de manière juste, équitable, et réparer les liens par un sentiment partagé d’égalité, dans l’acception des différences.

 

Danielle Rapoport Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Psychosociologue. Auteure, conférencière, consultante.
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Comment le marketing peut rendre possible ce qui est désirable ? Par Philippe Le Magueresse https://adetem.org/comment-le-marketing-peut-rendre-possible-ce-qui-est-desirable-par-philippe-le-magueresse/ https://adetem.org/comment-le-marketing-peut-rendre-possible-ce-qui-est-desirable-par-philippe-le-magueresse/#respond Sun, 09 Jun 2024 14:41:49 +0000 https://adetem.org/?p=104642 Le marketing a joué un rôle crucial dans l’émancipation des consommateurs et la stimulation de la croissance économique globale. Toutefois, comment peut-on envisager que le marketing continue à encourager les désirs illimités des consommateurs sans prendre en compte les impacts sur notre monde aux ressources limitées et fragilisées par ces modes de vie ? 

Des scénarios peu attractifs pourraient advenir.
Les collapsologues (ou les effondristes en bon français !) avertissent que la surexploitation actuelle, qui excède la capacité de résilience de notre écosystème « Terre », conduit inéluctablement à la chute de notre civilisation, et au chaos.
On pourrait imaginer également une société coercitive : des citoyens empêchés dans leur consommation (choix, quantité, mode, etc.) pour satisfaire à des injonctions venues d’en haut.
Face à ces scénarios peu reluisants, comment modifier la trajectoire de notre course pour une destination plus désirable ? Quelle ligne de crête emprunter permettant de concilier liberté individuelle et responsabilité collective ? Et quel rôle le marketing pourrait-il jouer dans les entreprises et au-delà ? 

Le temps des entreprises hors-sol, guidées par le seul intérêt financier à court terme des actionnaires, semble dépassé. Pour autant, la combinaison des intérêts de l’actionnaire et du seul consommateur est-elle une meilleure solution ? Les exemples d’Amazon, et plus récents de Temu ou Shein sont-ils vraiment soutenables ? 
Le consommateur est certes « choyé » mais aux dépens des autres parties prenantes : notamment les collaborateurs et l’environnement. Et leur caractère clivant provoque le rejet de certaines parties prenantes (cf. abandon de l’implantation du siège d’Amazon sur Long Island City ou les demandes de légiférer pour taxer les produits à prix anormalement bas). 

 

Passer d’un monde mécanique à un monde organique  

Pour faire émerger un environnement qui à la fois permet la liberté individuelle en étant responsable, ma conviction est la suivante : les entreprises doivent basculer d’une logique mécanique, court-termiste, centré sur le profit financier à une logique organique, pérenne et visant l’atteinte simultanée de plusieurs objectifs.
Il s’agit de trouver un point d’équilibre dynamique grâce au dialogue avec les différentes parties prenantes dans une logique systémique : clients, actionnaires mais aussi collaborateurs, fournisseurs, ONG, Etat, etc. 

 
Et dans cette perspective, le marketing a un rôle à jouer (comme le législatif entre autres) à condition de lui aussi revoir sa copie tout en gardant son principe actif :

  • créer de la différenciation pour une proposition de valeur pertinente, 
  • rendre la marque et ses offres facilement accessibles,
  • être capable de trouver le bon message et le bon canal pour une interaction de valeur avec la bonne personne. 

Voici 3 axes, s’influençant mutuellement, sur lesquels positionner le Marketing au sens large : 

Axe 1 : Devenir le pivot du dialogue avec les parties prenantes  

Historiquement, le Marketing, a, entre autres, interrogé, observé, etc. les consommateurs.
Il doit désormais élargir la relation à l’ensemble des parties prenantes et basculer vers le dialogue. L’idée est à la fois de bien comprendre comment chaque partie prenante voit « le monde » et pouvoir ainsi entamer des conversations pertinentes avec chacune d’elles. 

Axe 2 : Construire les fondamentaux de la marque  

Le fruit de ces interactions avec l’environnement vient également nourrir la marque qui doit à la fois s’ouvrir à ses parties prenantes, pour ne pas se nécroser ou ne pas faire fausse route, mais sans se diluer, sous peine de perdre son unicité.
Aux dimensions traditionnelles que le marketing doit embarquer (les considérations légales, la recherche de qualité, l’image de marque) s’ajoutent la recherche de valeurs et l’appropriation d’engagements. Car les parties prenantes sont désormais en attente sur ces sujets vis-à-vis des marques. Et cela devient donc une source de différenciation !
Les valeurs ? De nombreuses marques cherchent à incarner des valeurs pour provoquer une émotion plus durable, pour construire un sentiment. Et ainsi créer un alignement pérenne avec leurs parties prenantes.
Les engagements ?  Ils démarrent quand les marques vont au-delà de leurs parties prenantes les plus proches (clients, collaborateurs, actionnaires) pour apporter leur contribution, disons pour faire simple, aux 17 engagements de l’ONU.
Aux marques ensuite d’exploiter les techniques du marketing pour engager leurs audiences. 

Axe 3 : Définir un set d’OKR (Objectives & Key Results) et bâtir un socle de données en conséquence  

Fort de la matière générée par les deux premiers axes, le marketing aurait intérêt à être pilote du troisième pour influencer positivement les orientations stratégiques de l’organisation.
Certes, le volet extra-financier des comptes est un premier pas utile. A condition que son esprit imprègne l’organisation, et non pas sa lettre qui la pousse à « cocher mécaniquement des cases ».
Produire de la valeur, cela veut dire, en plus de résultats financiers, produire du sens, de la confiance, de la reconnaissance ou encore de la collaboration.
S’appuyer sur les parties prenantes permet de produire cette valeur et de challenger, revisiter ses fondamentaux. Et proposer ensuite des OKR, potentiellement contradictoires entre eux !

Il va donc falloir oser cette approche et du courage pour la défendre dans des organisations souvent paresseuses. 

Imaginer, concevoir, décider, déployer, monitorer, ajuster, dialoguer avec les parties prenantes, etc. va nécessiter de disposer d’un socle de données robuste, pertinent, etc. en cycle continu, de façon organique ! 

Les différents écosystèmes de marques, pour rester attractifs, co-évolueront. C’est-à-dire que les marques devront tenir compte de la concurrence sans pouvoir « retomber dans la facilité » sous peine d’être sanctionnées par les parties prenantes. On enclenche ainsi une dynamique vertueuse d’élévation. 

Cette dynamique (marques qui s’engagent, parties prenantes exigeantes, collaboration, etc.) vertueuses peut rendre possible ce qui est désirable : une liberté de choix au sein d’offres responsables, durables.

Philippe Le Magueresse : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Directeur Général Adjoint d’OpinionWay
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Différencier et faire commun – Par Clémence Pons https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-par-clemence-pons/ https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-par-clemence-pons/#respond Fri, 24 May 2024 09:13:14 +0000 https://adetem.org/?p=105897 Pour ma 1ère année en tant que membre au Comité scientifique de l’Adetem, j’ai choisi comme sujet « Différencier et faire commun », exercice pour ma part nouveau où une de mes missions au sein de la Direction Connaissance Client à La Poste consiste à réaliser des analyses d’indicateurs chiffrés. Toutefois, l’absence de pourcentages, d’effectifs, d’estimations… ne va pas m’empêcher de me prononcer !

Depuis que j’exerce mon métier dans le domaine des études, j’ai essayé de me souvenir d’un produit, d’un service qui a fait commun. Et je me suis rappelée l’arrivée d’un appareil qui a modifié la manière d’échanger, de communiquer, de consommer. Il s’agit de l’Iphone.

En 2007, Apple lance le premier téléphone intelligent à l’écran tactique avec des applications : music player, album photos, accès à Internet, appareil photo au prix de 399€. En 2024, son prix ne choque pas mais rappelons qu’en 2007, la plupart des Français était équipé d’un téléphone portable Nokia, Sony, Motorola qui permettait essentiellement de téléphoner. L’Iphone remporte un succès phénoménal puisque des personnes de tous âges et de tous milieux sociaux se ruent pour en acquérir un. Pour ma part, jeune cadre en institut, je me souviens mes collègues s’impatienter de percevoir leur 1er salaire pour l’acheter. Ces personnes faisaient partie du segment les Détenteurs d’Iphone où les discussions tournaient autour de cet appareil et de ses fonctionnalités et c’est la première fois que j’ai entendu cette phrase qui est rentrée dans notre quotidien « Aurais-tu un chargeur d’Iphone ? » car contrairement au « dumbphone », la batterie de cet intelligent appareil n’avait pas une durée d’autonomie d’une semaine mais d’1 ou 2 jours maximum.

Avec l’arrivée de l’Iphone 2 et de ses descendants, les détenteurs d’Iphone se sont rapidement divisés. Donne-moi ton modèle d’Iphone et je te dirai qui tu es ?

Aujourd’hui, les marques proposent des produits/articles différenciés. Elles ne disposent pas d’une clientèle mais de nombreux profils de clients : les enfants, les adolescents, les jeunes, les familles, les séniors qui se sentent de plus en plus jeunes, les ruraux, les citadins, les actifs, les inactifs très occupés qui manquent de temps, les sportifs ….

Quand nous regardons la diversité des produits disposés dans les rayons des magasins, nous comprenons que les marques ont bien compris ce principe. Dans nos habitats, nous comptons sur les doigts d’une main, les produits qui vont répondre aux besoins, envies de tous. Pour ma part, quand j’ouvre le tiroir de ma salle de bain, je ne peux m’empêcher de penser à celui de mon arrière-grand-mère (née au début du XXème siècle) qui se résumait à l’essentiel un savon de Marseille, un pot en métal de crème Nivea, une bouteille d’eau de Cologne et un flacon de parfum avec son bouchon aux 2 colombes pour le dimanche.

Au début du XXème siècle et plusieurs décennies plus tard, cette crème était présente dans de très nombreux foyers français. Elle était utilisée par tous : enfants, parents, grands-parents et aussi bien appliquée pour hydrater le corps que le visage, les pieds que les mains…

Plongeons-nous, 100 ans plus tard, durant la période où je travaillais en institut dans le secteur de la santé. Lors d’entretiens qualitatifs auprès de médecins dermatologues, je me souviens l’un d’entre-eux s’être montré offusqué d’entendre des patientes utiliser la même crème le jour et la nuit !

 

Alors de nos jours, est-il possible de faire commun ? Et comment y parvenir ?

Je répondrai par l’affirmative. Il s’agit des produits, articles, objets que nous avons aperçus, connus, dégustés, rêvés dans notre enfance et que les marques/entreprises ont choisi de rééditer en version originale. Je pense notamment à la tablette de chocolat Merveilles du Monde avec ses images cartonnées à collectionner, à la veste coupe-vent Kway qui se range dans une pochette banane, au couteau de poche pliable Opinel indispensable pour un pique-nique, au dessous de plats étirable Roger Orfèvre avec lequel vous jouiez enfants, aux sucettes Pierrot Gourmand, au filet à provisions Filt 1860 … La liste est longue !

Ces produits connaissent un réel succès auprès de toutes les cibles générationnelles et mêmes des plus jeunes car ils font appel à l’émotionnel. Ils invitent à l’évasion. En effet, ils rappellent des souvenirs de l’enfance, de l’adolescence ou même des moments du passé que les nouveaux détenteurs n’ont pas forcément connus mais qu’ils ont pu voir dans des films, sur des photos. La réédition de ces pièces suscite un tel engouement que certains vont vouloir trouver les pièces vintages pour le seul plaisir de la chasse à l’objet « collector ».

Les marques de ces produits élargissent leurs offres en proposant de nouvelles éditions avec un large choix de colories, de modèles, de parfums. Ces nouveautés rencontrent un succès s’ils respectent les codes bien établis dans les versions originales.

Ces marques font partie d’un passé commun qui enracinent les consommateurs de toutes générations et leurs permettent de se projeter dans l’avenir.

Pour ma part, travaillant à La Poste, je ne pouvais pas faire l’impasse sur une pratique qui rassemble toutes les générations même les plus jeunes. Il s’agit de l’envoi de cartes postales papier dans notre société où les échanges entre nos proches sont digitalisés SMS, mails, messages instantanés….

Aujourd’hui, plus rare, la carte postale est devenue un objet qualitatif.

– Un don de soi pour celui qui l’envoie : choix de la carte, du timbre, des mots,

– Un cadeau pour celui qui la reçoit : une surprise dans sa boite aux lettres, un objet qui va être accroché au mur, conservé dans une boite et dont nous allons avoir du mal à jeter.

Si l’envoi de la carte postale continue d’exister et séduit toutes les générations, c’est que ce rituel s’est instauré durant l’enfance, souvent en famille et rappelle de bons souvenirs à savoir les vacances.

 

 

Clémence PONS : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Responsable des études marketing à La Poste
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Défi, vous avez dit défi ? – Par François Laurent https://adetem.org/defi-vous-avez-dit-defi-par-francois-laurent/ https://adetem.org/defi-vous-avez-dit-defi-par-francois-laurent/#respond Tue, 21 May 2024 13:48:16 +0000 https://adetem.org/?p=108576 Le dernier défi du marketing : réformer l’entreprise … et pourquoi pas la société tant qu’ils y sont ???

Provocateurs, les membres du Conseil Scientifique de l’Adetem ? Des donneurs de leçons déconnectés des réalités quotidiennes ?

Réformer … du latin reformare, « rendre à sa première forme, refaire » dixit le Gaffiot – Le dictionnaire latin de référence –, puis au figuré « réformer, améliorer, corriger ». Question : avant de refaire, améliorer, corriger, le marketing joue-t-il, ou a-t-il joué un rôle de formateur, créateur, bâtisseur, facilitateur dans ce que sont les entreprises et la société aujourd’hui ?

Concernant les premières, le marketing a toujours eu un rôle de phare – c’est même sa raison d’être première ! Le marketing explicite les attentes des consommateurs, actuelles et futures – c’est son rôle de vigie – et aide à concevoir, produire et commercialiser des produits et des services susceptibles de séduire les clients.

Concernant ces derniers, le marketing contribue, avec les médias – informations, séries, documentaires, etc. – à créer un « modèle social de référence » auxquels les gens vont se conformer, comme Roland Barthes l’a parfaitement analysé dans la Système de la Mode : en ce sens, le marketing façonnera la société de con-sommation.

Bien sûr, ce cadre idéal pour évoluer d’une entreprise à l’autre – et bien évidemment en mal, notamment quand la finance prend le pouvoir et empêche au marketing de jouer son rôle de vigie. Ou quand le savoir-faire technologique des fondateurs l’emporte sur … tout le reste, comme dans bien des startups !

Le problème majeur auquel le marketing et les entreprises se trouvent aujourd’hui confrontés est celui de l’extrême fragmentation de la population et de l’exceptionnelle complexité à la comprendre … et surtout à anticiper ses attentes et comportements.

Crises multiples et fractures sociétales se superposent : environnementales, sanitaires, sociales, économiques, politiques, etc. Notre « modèle social de référence » se révèle obsolète : il convient de le réformer !

Réformer, dans un monde de moins en moins compréhensible – et surtout, de moins en moins prédictible !

Réformer : à qui revient ce rôle ? A tous les acteurs : politiques certainement, mais aussi médiatiques, journalistiques … et marketing. Surtout marketing de-vrais-je dire, car à avoir trop vanté le modèle d’une consommation immodérée, le marketing porte une responsabilité particulière dans la situation actuelle.

Réformer en proposant un autre modèle de société aux consommateurs … pas si simple ! Car comment expliquer qu’il faut renoncer au paraître quand on a vendu du superflu pendant des décennies, qu’on a seriné qu’il fallait coller aux tendances ; et surtout, que répondre à ces gens qui disent acheter de la fast fashion non par pour coller à la mode, mais parce qu’ils n’ont pas les moyens de mettre un centime de plus ?

Comment pratiquer un marketing honnête, durable, quand vos concurrents vous taillent des croupières en se contentant de greenwashing ?

Et comment le faire accepter dans son entreprise – notamment aux financiers, mais pas que !

Là, le marketing va reprendre, amplifier son rôle de vigie, décoder la société, comprendre ce que souhaite une population multiple, voire contradictoire, qui se cherche … et surtout bien souvent, cherche seulement à ne pas perdre pieds.

Et conjuguer leurs attentes, attitudes, comportements avec des nécessités sociales, sociétales, environnementales, etc., nouvelles ; d’autant que le marketing, en segmentant à l’outrance, a longtemps contribuer à cliver, morceler la société : pourra-t-il « recoller les morceaux » ?

Pourra-t-il expliquer à ses dirigeants et/ou collègues et/ou collaborateurs qu’il faut « recoller les morceaux », et qu’il faut qu’ils jouent un rôle très actif dans cette réforme de la société.

Bref, leur apprendre à se réformer pour réformer le monde : on change de paradigme, mais le futur passe nécessairement par là.

François Laurent : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Consultant de

 

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Différencier et faire commun, vers un nouvel oxymore pour le marketing – Par Frank Rosenthal https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-vers-un-nouvel-oxymore-pour-le-marketing-par-frank-rosenthal/ https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-vers-un-nouvel-oxymore-pour-le-marketing-par-frank-rosenthal/#respond Fri, 17 May 2024 10:43:38 +0000 https://adetem.org/?p=105291 Pendant de longues décennies, le marketing a eu parmi ses objectifs de créer des besoins. Quand la planète et ses ressources doivent être érigées en ultra priorité, cette quête de créer ou de répondre à des besoins n’est plus suffisante.

Le marketing doit se trouver de nouvelles voies au moins pour démontrer son utilité en interne pour toutes les entreprises et continuer ce qui a toujours été sa ligne directrice la création de valeur. Mais au fur et à mesure des années, il y a création de valeur, pour satisfaire les actionnaires et création de valeurs (le pluriel prend tout son sens) pour satisfaire toutes les parties prenantes.

Dans un monde de digitalisation absolue, l’essor des plateformes et du e-commerce, le marché mondial est concentré à 80% sur 5 plateformes chinoises et américaines, il existe une nouvelle donne, celle de la profusion de l’offre. Près de 25 ans en arrière au moment de la naissance d’Amazon, on parlait de longue traine, aujourd’hui on pourrait presque parler d’offres illimitées, Amazon.com et sa marketplace propose plus de 500 millions de références. Face à cela, il faut souligner une nécessité absolue pour tous les marketers : la recherche de différenciation.

Mais seule, elle ne suffit pas, il faut ajouter pour performer la pertinence, l’innovation, la créativité, l’émergence sur son marché, la capacité d’investissement, la culture client et encore beaucoup d’autres facteurs sur lesquels le marketing va agir. Et c’est le propre du marketing de concilier ou réconcilier toutes ses dimensions pour donner du sens aux produits de l’entreprise et développer et nourrir les marques.

 

C’est le rôle de la différenciation, ne pas être différent pour être différent mais être différent et pertinent en même temps, c’est un sacré pari qui ne peut être gagné qu’en faisant sens commun.

Pour le marketing, il est bien difficile avec l’émergence des réseaux sociaux de créer du consensus, les réseaux sociaux sont devenus des médias où chacun peut s’exprimer et c’est un progrès mais aussi et surtout où la notion d’« émetteur » pour la marque n’est plus du tout incontestée et peut être remise en cause à chaque instant.

La quête du consensus est devenue un graal, très difficile, long et coûteux à atteindre. Ne pas déclencher de polémiques est déjà une forme de consensus. Mais le consensus ne peut pas être et ne doit pas être une priorité absolue, car seul il nuit à la différenciation.

Différenciation et faire commun sont le nouvel oxymore du marketing, qui en les associant va leur donner de la force et continuer à créer de la valeur et renforcer les valeurs. Un sacré pari !

 

Frank Rosenthal Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Fondateur de Frank Rosenthal Conseils, Expert en marketing du commerce
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Différencier et faire commun où comment le marketing peut aider à tenir les deux bouts de l’omelette – Par Frédéric Cantat https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-ou-comment-le-marketing-peut-aider-a-tenir-les-deux-bouts-de-lomelette-par-frederic-cantat/ https://adetem.org/differencier-et-faire-commun-ou-comment-le-marketing-peut-aider-a-tenir-les-deux-bouts-de-lomelette-par-frederic-cantat/#respond Fri, 17 May 2024 10:03:04 +0000 https://adetem.org/?p=108319 Importance des besoins du consommateur et matérialisation de transactions auront été sans doute les grands apports du marketing du XXème siècle pour les entreprises et les marques. Notamment grâce à la segmentation de ciblage qui consiste à déterminer des couples produit-marché et à définir, une fois un positionnement choisi (sur quel marché j’interviens) les meilleures caractéristiques produit pour satisfaire les besoins du marché (sous-segmenter en populations homogènes et offres correspondantes). Par essence la sous-segmentation (i.e., formation de sous-ensembles différents comportant chacun des attributs sociologiques ou caractéristiques multicritères spécifiques) est consubstantielle à la différentiation. L’établissement de personas en est une évolution du XXIème siècle, plus incarnée.

Dans un monde parfait et dépourvu de concurrence #OcéanBleu, l’entreprise réalise « tranquillement » à travers sa marque (ses marques) sa fonction transactionnelle auprès des consommateurs, « qui en ont pour leur argent », et réciproquement. Dans le monde le plus fréquemment vécu, il lui faut trouver des facteurs de différenciation (prix, caractéristiques produit, etc.) afin de se démarquer de la concurrence #OcéanRouge.

Jouer sur la fonction identitaire de la marque (le consommateur / utilisateur se reconnaît et est reconnu par sa tribu) peut être une autre de voie de différenciation. Le cas Pepsi en est un archétype, littéralement : « Think different, think Pepsi ». On ne trouve plus beaucoup de traces du slogan utilisé et décliné par l’autre marque de cola fin des années 80, début des années 901. Peut-être parce qu’un GAFAM, Apple en l’occurrence, a voulu le préempter. Peu importe, et quoi qu’il en soit, là où Pepsi n’utilisait qu’une personnalité (l’athlète Dick Fosbury), Apple s’appuiera sur une vingtaine dans son fameux clip « Here’s to the crazy ones » lancé en 1997 pour célébrer la (sa) Différence : de la marque, de ses utilisateurs… On se trouve d’ailleurs sans doute ici un peu à cheval entre les fonctions identitaire et aspirationnel d’une marque : seul le logo y figure, aucun produit n’est exposé. « Tous ceux qui voient les choses différemment ne peuvent être ignorés car ils changent les choses » et marquent (positivement) le monde de leur empreinte. Bien sûr, qui n’a pas envie de faire partie de cet aéropage ? En parlant de GAFAM, c’est Google qui franchira complètement le pas aspirationnel en inscrivant dans ses statuts à l’occasion de son introduction en bourse son fameux mantra interne « Don’t be evil »2 (qu’Alphabet changera en 2015 en « Do the right thing »3).

A ce stade vient naturellement la question suivante : vaut-il mieux pour une entreprise chercher à différencier ou à faire commun ? Et son corollaire aux allures de Graal ou de quadrature du cercle, c’est selon : différencier et faire commun en même temps est-ce possible ? #LeMeilleurDesDeuxMondes

On touche ici sans doute le défi du XXIème siècle pour le marketing : réformer l’entreprise et les organisations pour leur donner une vision plus politique (au sens étymologique du terme « propre à un bon gouvernement, bon, judicieux ») et sociétale. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » disait Jacques Chriac en 2002 ». « Nous n’avons qu’une planète et il n’y a pas de plan B » renchérissait Barack Obama 13 ans plus tard. Et si la solution venait des entreprises et des organisations, avec comme adjuvant le marketing (stratégique) ? Nous l’avons vu un peu plus tôt, la fonction aspirationnelle d’une marque peut être un bon viatique, à condition bien sûr de rendre l’offre cohérente avec la promesse. Le statut d’entreprise à mission (on compte en France plus de 1 700 sociétés à mission aujourd’hui4, dont quelques célèbres pionnières telle la MAIF) ou le fait d’être chargé d’une mission de service public sont des adjuvants indéniables pour différencier et faire commun.

Une illustration ? Alors, que l’offre des applications mobiles cartographiques est relativement pléthorique, avec notamment Google Maps (et Waze) et Apple Plan en têtes d’affiche, l’IGN n’a pas hésité a lancé en mai dernier son application Cartes IGN5 avec un positionnement assumé : « une application pour comprendre le territoire et découvrir la France autrement »6, sans dépendre notamment de représentations biaisées d’acteurs économiques comme les GFAM. L’application s’appuie sur les données et référentiels de l’IGN et également sur des données tierces, issues des partenaires publics (agriculture, forêts…) ou encore les données d’OpenStreetMap (le Wikipedia de la carte) sur les commerces (ce qui permet notamment d’avoir tous les commerces et pas seulement ceux qui paient pour être mis en avant) et points d’intérêt (arrêts de bus etc.). Après avoir reçu un excellent accueil7, l’application trace son chemin avec plus de un million d’installations. A suivre…

 

 

1 voir ici https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/publicite/pub3774412069/pepsi-boisson-gazeuse-soda ou encore là https://www.youtube.com/watch?v=VLc2wuV0TLc

2 https://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1288776/000119312504142742/ds1a.htm#toc59330_1

3 https://www.frandroid.com/marques/google/314755_slogan-dont-be-evil-de-google-devient-do-the-right-thing-alphabet

4 Source « Observatoire des sociétés à mission » : https://www.observatoiredessocietesamission.com/societes-a-mission-referencees/

5 https://www.ign.fr/telechargez-application-cartographique-cartes-ign

6 https://www.ign.fr/institut/espace-presse/cartes-ign-une-application-mobile-pour-comprendre-le-territoire-et-decouvrir-la-france-autrement

7 https://www.quechoisir.org/actualite-cartes-ign-une-nouvelle-application-pour-plonger-au-coeur-des-territoires-n124050/

 

Frédéric Cantat : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Référents méthodes d’intelligence collective et d’innovation collaborative chez IGN

 

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La ferme attente des grands moments que nous allons vivre ensemble – Par Nathalie Folcher https://adetem.org/la-ferme-attente-des-grands-moments-que-nous-allons-vivre-ensemble-par-nathalie-folcher/ https://adetem.org/la-ferme-attente-des-grands-moments-que-nous-allons-vivre-ensemble-par-nathalie-folcher/#respond Wed, 01 May 2024 13:21:46 +0000 https://adetem.org/?p=106743 Dans son dernier manifeste, à paraître à l’occasion des 70 ans de l’Adetem, son Conseil Scientifique appelle « le marketing à générer du désir autour des 3Ps (Planet, People, Profit), et à permettre l’éclosion harmonieuse de l’écologie nécessaire à la prospérité de l’entreprise et au-delà de notre société. Le marketing doit redonner à notre société l’envie de faire affaire avec ce monde tel qu’il est. »

Cette ambition très belle et très performative peut apparaitre comme faisant fi du passé et des dérives collectives qui ont conduit notamment à l’urgence climatique. Non pas qu’il soit seul et diaboliquement coupable des extrémités auxquelles nous ont conduit la société de la consommation, mais la profession porte sa part de responsabilité. Je ne souscris pas à une vision du marketing qui ne serait qu’un simple instrument au service de la résolution d’une problématique x ou y. Les outils, quels qu’ils soient éclosent et se définissent sans cesse dans un champ d’interdépendances plus complexe où le langage et ses applications impactent leur définition et leur appropriation par les acteurs. Le marketing a ainsi été et demeure encore un « outil du plus ». Plus de parts de marché, plus de cibles, plus d’usages… en dénichant les besoins insatisfaits, le levier de croissance, les insights prometteurs, il se fait la caisse de résonnance des attentes sociétales. Il les amplifie en les écoutant. Cette résonnance est-elle raisonnée ? D’où viennent les garde-fous ? Souvent de l’extérieur : contrainte règlementaire, société civile et bad buzz… Qui donne vraiment ses limites au marketing ? Né avec la société de consommation il s’est avéré d’une efficacité redoutable. Subtil alliage de la croissance et de la performance. Or, c’est tout cela que vient bousculer l’urgence climatique et notamment la capacité de chacun à faire différemment ou parfois, il faudra bien finir par l’admettre, à faire moins.

Cette génétique là, je crois qu’il faut l’intégrer pour collectivement mieux la requestionner. Prendre conscience de ce point de départ, pour ne pas verser dans le fatalisme et questionner en profondeur l’éthique de la pratique. Une enquête conduite auprès de la profession au sujet des enjeux RSE mettait notamment en avant la prévalence d’une injection paradoxale chez les professionnels du marketing. Un conflit intérieur entre des aspirations intimes appelant chacun et la société à des actes plus responsables et certaines décisions et travaux conduits au sein de leurs entreprises. C’est un Momentum délicat, un virage à négocier.

Il semble que cette injonction paradoxale entre aspirations individuelles et parfois injonction à la performance, ou à poursuivre « les bonnes vieilles méthodes », ne peut durer. Non pas, par principe, mais tout simplement parce que si les injonctions paradoxales sont consubstantielles de l’humanité, elles sont par nature éphémères… bousculées par un besoin fondamental de cohérence et d’unité. On constate ces tensions au sein de l’ensemble de la profession, des entreprises ; nous sommes nombreux à appeler à toujours plus de responsabilité. Alors que faire ?

Ne pas renier le passé d’une part et réembrasser les autres qualités fondamentales que le Marketing a toujours su porter d’autre part. En ce moment, Henri Bergson, rock star de la philo de son vivant, revient dans les charts. Son tube de la récapitulation créatrice ressort, ce grand mouvement qui fait que ce n’est qu’en prenant conscience de l’entièreté des choses, et du passé que l’on peut avancer et progresser. Lisez ou écoutez Charles Pépin à ce sujet, il est passionnant.

Pour toujours mieux se saisir de ces enjeux, j’ai la conviction que le marketing doit faire son examen de conscience. Se rappeler qu’il reste un outil de l’efficience, mais qu’il doit s’exercer dans un cadre ou la question de la responsabilité collective est plus que jamais un incontournable.

La Française des jeux, de par la nature des produits qu’elle commercialise est particulièrement familière de cette question et de cet examen de conscience perpétuel. Elle se trouve au sein de sa raison d’être : « Le jeu est notre métier, la contribution à la société notre moteur et la responsabilité notre exigence ». Ainsi nos équipes marketing travaillent au côté des autres parties prenantes pour divertir nos clients en œuvrant à la protection de nos joueurs, et cela sur l’ensemble de la chaine de valeur, depuis la conception de nos produits jusqu’à leurs externalités. Elle œuvre pour un marketing conscient qui trouve sa juste place dans les liens d’interdépendance de l’entreprise, au service d’un objectif commun faisant sens avec les enjeux sociétaux.

Ainsi, un double changement est en marche dans la position du marketing chez FDJ, comme dans beaucoup d’entreprises. Il doit se poursuivre et s’amplifier.

D’une part, un changement interne : le marketing sera intrinsèquement responsable ou ne sera pas. Et d’autre part, un changement externe, dans sa relation aux parties prenantes de l’entreprise, avec des enjeux de synergie beaucoup plus ténus.

Ainsi lorsque Carolee Schneemann évoque « la ferme attente des grands moments que nous allons vivre ensemble » à propos du sujet brûlant des rapports de genre, on ne peut s’empêcher de penser aux applications d’une telle affirmation dans le champ du Marketing et d’être, nous aussi, impatients.

 

Nathalie Folcher : Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem – Responsable Management de la Voix du Client à la FDJ

 

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